La foi en l’essentiel de Mgr Maurice Couture

Le 21 février 2016 par Roger Beaupre à 9 h 01 min

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Appuyé sur un banc de la chapelle où il a été ordonné prêtre en 1947, Mgr Maurice Couture jette un regard nostalgique autour de lui. L’endroit fait remonter plein de souvenirs. «J’ai coulé du ciment, juste là, en dessous du terrazzo. Je me vois encore… J’espère que je ne serai plus là quand le pic de démolition va jeter notre chapelle à terre.»

À 89 ans, l’ancien archevêque de Québec vit ses derniers moments à la maison provinciale des religieux de Saint-Vincent-de-Paul. Lui et une cinquantaine de ses collègues, dont plusieurs en perte d’autonomie, préparent leur ultime déménagement. Le 31 mars, ils devront avoir quitté la vaste résidence du chemin Sainte-Foy, près de l’Hôpital Laval.

Frénésie immobilière aidant, le grand terrain suscite la convoitise de plusieurs promoteurs. «Avant même que ça soit mis en vente, ils nous assaillaient. Les actuaires nous ont dit qu’il fallait absolument vendre, qu’on s’en allait vers la faillite. Vous savez, la congrégation n’est pas très riche. Ça allait dans le sens de notre mission.»

Si Mgr Couture s’est résigné à voir disparaître la chapelle, il souhaite ardemment que la cinquantaine d’érables de Norvège, qui bordent l’allée et les alentours de la résidence, soient épargnés. Et pour cause. C’est lui qui les a presque tous plantés, à la même époque, alors qu’il était étudiant. «Ils avaient à peine deux pieds de haut, avec des petits bourgeons, même pas de branches. Maintenant, ils ont 125 pieds.»

Dans l’ambiance monastique de la maison-mère de la Saint-Vincent-de-Paul, Mgr Couture parle d’abondance en cette matinée ensoleillée. De ses souvenirs personnels, bien sûr, mais aussi de l’Église catholique condamnée à renouveler son discours, de son incompréhension face au ressentiment de beaucoup de catholiques, de son inquiétude quant au sort du patrimoine religieux. Le religieux est habile à manier le verbe.

Trop de place

Mgr Couture n’est pas homme à se complaire dans le passé, dans cette époque où l’Église avait un fort ascendant sur le peuple. La Révolution tranquille, le transfert des pouvoirs religieux au monde laïc, la perte d’influence des prêtres, tout cela était inévitable, confie-t-il. «L’éducation était essentielle au développement d’un peuple et c’est ce que nous avons fait. Tout était entre les mains des religieux, mais à un moment donné, nous n’étions plus capables de suffire à la tâche.»

«Je reconnais qu’on a occupé trop de place, avoue-t-il. Il fallait combler un vide, mais en même temps, on n’a pas donné la chance à la société de se prendre en main. Je n’étais pas contre la Révolution tranquille, il fallait que ça se fasse, mais on a fini par payer pour les pots cassés.»

La mise au ban de l’Église, en quelques décennies, a été si subite, sans reconnaissance du travail accompli, qu’il s’est développé un discours très dur à son endroit, particulièrement dans les grands débats de société, déplore-t-il. «Je ne comprends pas la hargne avec laquelle certains considèrent qu’on doit être mis de côté. Quand on veut prendre la parole sur le droit à mourir dans la dignité, par exemple, on nous dit de nous mêler de nos affaires, que ça ne nous regarde pas. Accompagner les gens dans la mort, c’est pourtant ce qu’on fait depuis toujours.»

Mariage des prêtres

Le manque d’argent dans les coffres, la fermeture des églises, la diminution des effectifs, autant d’éléments qui font croire à Mgr Couture que son institution n’a pas le choix de se réinventer, de se donner un nouveau souffle afin d’affronter les nouveaux défis. «Je suis convaincu que l’appauvrissement est une bonne chose en soi. Quand on est riche, on a facilement du pouvoir. Quand on est pauvre, on ne fait plus peur au monde. Une Église plus pauvre va se tourner de plus en plus vers les vrais besoins de la société.»

Et quand il regarde en avant, dans un avenir rapproché, il est «à peu près certain» que des hommes mariés pourront devenir prêtres. «Il y en a déjà chez les anglicans. les apôtres ou à-peu-près étaient mariés. Même le premier pape. On ne peut pas évoquer l’Évangile et dire que Jésus ne choisissait que des célibataires.»

En sursis

Une fois déménagé à la résidence Cardinal-Vachon, à Beauport, Mgr Couture espère continuer à savourer tous ces petits moments qui font l’essentiel d’une vie. À son âge avancé, il se considère chanceux d’être encore de ce monde. «Je ne pensais jamais dépasser 80 ans. Mes frères et mes soeurs sont tous décédés, le plus vieux à 67 ans. Moi, dans ma tête, je suis en sursis. J’ai comme l’impression que je ne devrais plus être là.»

«Pourtant, depuis sept ou huit ans, j’ai vécu les plus beaux moments que je ne pensais jamais vivre», poursuit-il. Le 350e anniversaire de «sa» cathédrale (Notre-Dame de Québec), la canonisation de Mgr de Laval, souhaitée depuis si longtemps, la nomination du pape François, autant de «cadeaux du ciel».

Serein

Si le départ de cette grande demeure, où les souvenirs sont omniprésents, a été «très dur» à accepter, la sagesse a fini par faire son lit. «Je n’ai jamais autant apprécié la vie depuis qu’elle s’est simplifiée. Vous savez, quand on est en santé et actif, on s’investit énormément dans ce qu’on fait. On ne se rend pas toujours compte qu’on accorde beaucoup d’importance à des choses qui ne durent pas. Ce qui est fait de main d’homme, c’est précaire, alors que la nature, elle ne trompe pas.»

«C’est à ça que je pense quand je regarde par la fenêtre de ma chambre et que je vois les arbres que j’ai plantés autrefois.»

Mgr Couture sur…
L’ordination des femmes

«On a quand même fait des progrès joliment importants. Dans l’Église de Québec, ce sont majoritairement des femmes qui sont embauchées. Mettre le focus sur l’impossibilité des femmes [d’être ordonnées], c’est accréditer l’idée que pour se rendre utile dans l’Église, il faut absolument être prêtre.»

La disparition des églises

«Au plan patrimonial, c’est terrible, il faut les conserver, mais on n’avait pas besoin de tant d’églises. Il y en a qui ferment et les gens trouvent ça épouvantable. Moi je ne trouve pas. On en a trop construit. Dans le contexte de l’époque, on le comprend, c’était la norme. Il fallait que 70 % des paroissiens qui avaient fait leur première communion aient une place assise pour la grand-messe. Mais pour les besoins de l’Église d’aujourd’hui, avec la nouvelle façon d’exercer sa mission, on n’en a pas besoin d’autant.»

Le pape François

«J’ai beaucoup d’admiration pour lui. Il dit aux prêtres d’aller vers les gens, de ne pas s’enfermer dans les églises, de ne pas supposer que le monde est méchant parce qu’il ne vient plus vers vous. Il vient d’une Église vivante, proche du monde. Il sait de quoi il parle.»


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